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Retour sur la qualité urbaine et architecturale / Paris Rive Gauche

Espaces durables. Ingrid de Rio Campo. Une réflexion sur la qualité urbaine et architecturale à Paris. 2006.

Bonjour !

Gratitude et générosité sont les mots que je retiens pour cette nouvelle année 2022.

Avec mes 12 années et des poussières d’études supérieurs (ouf !), et aussi mon expérience de plus de 30 ans, j’ai beaucoup reçu de toutes parts. Il est temps de donner en retour.

J’ai donc décidé d’ouvrir mon ordinateur et de rendre disponibles la plupart des écrits, des photos, des travaux, des prototypes et des réflexions que j’ai pu mener et structurer le long du chemin.

Je pense surtout à nos jeunes collègues, qui découvrent en ce moment même les domaines passionnants de l’architecture, de l’urbanisme et du « faire la ville ensemble ».

Le résumé ci-après présente un travail réalisé en 2005. Le sujet traité ici touche à la méthode, à l’observation des pratiques. Le temps a passé mais l’essence de ce que j’ai observé et souhaité communiquer est restée intacte et valable encore aujourd’hui.

Que ces quelques lignes puissent être utiles !

Paris, le 20 janvier 2022.

(L’intégralité de ce mémoire est disponible sur le site academia.edu : https://www.academia.edu/10057230/La_ma%C3%AEtrise_de_la_qualit%C3%A9_urbaine_et_architecturale_%C3%A0_Paris_Rive_Gauche )

La maitrise de la qualité́ urbaine et architecturale à Paris Rive – Gauche

Analyse des pratiques d’aménagement urbain à Paris

NOTE DE SYNTHESE

Ce mémoire a été développé́ à partir d’un stage d’observation d’un mois à la SEMAPA, aménageur de la ZAC Paris Rive Gauche.

Des interviews avec une quinzaine d’intervenants, représentant toutes les catégories d’acteur travaillant sur l’opération (élus, aménageurs, maitres d’ouvrage, architectes, représentants associatifs, représentants institutionnels, critiques d’architecture, etc.), ont été réalisées. L’échange, effectué sur un mode non directif, a porté́ sur :

  • La notion de qualité́,
  • Les témoignages / expériences professionnelles significatives,
    avec l’objectif de cerner les dysfonctionnements et réussites du processus.

L’analyse des moyens de maîtrise de la qualité́ urbaine et architecturale mis en place pour la réussite des objectifs de cette opération d’aménagement d’envergure.
Autre point examiné : l’apport à ce processus des concertations avec le public, aspect qui est apparu comme difficilement maîtrisable.

Qu’est-ce que la qualité́ urbaine et architecturale ? Qui décide de la qualité́ ? Qualité́ pour quoi ? Qualité́ pour qui ?

Cette étude prend le contre-pied de la notion de qualité́ de chaque ouvrage, de chaque bâtiment, dans la mesure où il est apparu au long de ce travail qu’est plutôt la notion de « qualité́ publique urbaine » qui nous importe. La qualité́ urbaine et architecturale participe, bien entendu, à cette qualité́ finale, établie en fonction de la valeur d’usage publique d’un quartier.

Déterminer l’aspect qualitatif d’une opération d’aménagement ne peut se faire que dans le cadre d’un projet spécifique, considérant que la qualité́ s’intègre dans la réponse aux objectifs d’aménagement fixés. De ce fait, il n’y a pas une mais des qualités. La qualité́ urbaine et, dans une moindre mesure, la qualité́ architecturale, sont établies en fonction de l’usage et des ambitions urbaines à l’échelle d’un territoire.

La définition la plus aboutie de la qualité́ (plus spécifiquement la qualité́ architecturale des

constructions publiques 1) est celle fournie par la MIQCP, sur 11 cibles regroupant des aspects symboliques, techniques, d’usage, d’évolutivité́.

Au-delà̀ de cette définition, la qualité́ urbaine et architecturale est d’intérêt général : « une architecture de qualité́, en améliorant le cadre de vie et le rapport qu’ont les citoyens à leur environnement, qu’il soit rural ou urbain, peut efficacement contribuer à la cohésion sociale, ainsi qu’à la création d’emplois, à la promotion du tourisme culturel et au développement économique 2  régional. » .

La qualité́ urbaine fait émerger donc, en plus d’une valeur d’usage, une valeur d’échange, de marché, par la création d’un patrimoine immobilier.

A Paris, comme le montre l’exemple de la ZAC Paris Rive Gauche, les pouvoirs publics définissent les objectifs de qualité́ en menant une politique dotée des moyens nécessaires pour sa mise en œuvre.

Cette ambition affichée doit être partagée sur toute la chaîne du processus pour qu’une qualité́ urbaine puisse exister. Des outils comme le Plan d’Aménagement de Zone ou le cahier des charges urbaines et architecturales, respectivement opposables aux tiers et imposes par contrat aux acheteurs des charges foncières, permettent de poser les bases d’une coordination d’ensemble. S’ils permettent d’imposer ou interdire certaines dispositions spécifiques de mise en 3 œuvre ils ne sont pas une garantie suffisante de qualité́.

1 Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques.

2 Résolution du 12 février 2001 du Conseil de l’Union Européenne.

Le système très éprouvé de l’aménagement urbain parisien rencontre ces dernières années un fait nouveau : la concertation avec le public, qui apparaît comme un facteur important, et difficilement maitrisable, dans le processus.

Les textes de loi offrent la possibilité́ aux citoyens de déposer des recours à l’encontre des permis de construire afin d’assurer leurs droits. Il y a assurément des abus et dérives de la part de certaines associations et habitants dont certains sont devenus des « professionnels du recours » ; Mais l’apport de la démocratie participative à l’élaboration du projet aboutit, souvent, à améliorer sa qualité́. Les habitants introduisent un regard que l’on pourrait qualifier de maîtrise d’usage.

SYNTHESE DES POINTS FORTS

Environnement socio-économique du projet Paris Rive Gauche :

Il s’agit de l’opération la plus importante en cours, dans une ville unique en France, tant par sa tradition d’aménagement urbain de qualité́ que par les moyens dont elle dispose.
PRG (Paris Rive Gauche) constitue, de ce fait, un univers propice à l’étude du projet urbain et de la qualité́ architecturale, bien que, justement, comme le remarque J. C. Lynch 4, « Paris Rive Gauche n’est pas la vraie vie ».

L’objectif majeur de ce projet d’aménagement est de rééquilibrer le territoire en termes d’activité́ économique par la création d’un pôle d’attractivité́ tertiaire sur l’Est Parisien, pour assurer un contrepoids à La Défense.

L’aménagement des 130 hectares, en plein centre de Paris, se déployant sur 2,5 km le long des berges de la Seine, sert également de catalyseur à l’échelle régionale du développement du territoire de Seine – Amont.

Ces objectifs territoriaux se sont construits graduellement.
PRG est issue des initiatives diverses entreprises par la Ville. Sans programme défini au départ, le projet d’aménagement a été développé́ à partir d’une étude urbaine menée par l’APUR.

Le programme, à ce jour réalisé pour moitié́, prévoit au total 2.250.000 m2 de surfaces construites. Le total des charges financières générées à ce jour est de 1.570 millions d‘euros.

Malgré́ les montants très élevés induits par les contraintes techniques du projet retenu (26 ha de dalle urbanisable crée au-dessus des voies ferrées) un objectif d’équilibre financier a été trouvé à partir du partenariat établi entre la Ville et la SNCF. Cet accord permet à l’aménageur de ne pas porter le foncier dans la durée. Néanmoins, la ZAC est aujourd’hui déficitaire, les charges dépassent de 11% les produits.

Au-delà̀ des contraintes diverses liées à toute opération d’aménagement, PRG a rencontré́ la présence d’un tissu associatif des plus organisés, lequel s’est d’avantage renforcé pour peser sur le débat public et sur l’élaboration des projets. Le fait d’avoir sous-estimé au départ l’apport de la démocratie participative au projet a contribué́ à la création d’un climat de méfiance entre l’aménageur et les habitants.

Questions soulevées :

Quel mode de portage et pilotage de projet est aujourd’hui utilisée par les élus ? Le processus décisionnel par ces autorités politiques parisiennes est-il suffisamment clair et constant sur la durée ? Les élus arrêtent ou animent la décision ?
L’action des associations sur les projets, faisant valoir leur pouvoir ultime de bloquer les opérations en déposant des recours contentieux contre les permis de construire, ont un pouvoir non négligeable sur l’élaboration des projets. Les comptes publics et l’économie des projets privés, organisés sur des plannings serrés, s’en ressentent.

3 Par exemple, l’utilisation du verre réfléchissant est interdit sur l’ensemble de la ZAC

4 Ancien directeur général adjoint de la SEMAPA

Comment définir l’intérêt général dans le cadre d’un projet urbain ? Comment faire accepter l’intérêt général à des habitants défendant leurs intérêts particuliers ?
Faut-il arriver à un consensus autour d’un projet ? Le projet urbain relève d’un processus démocratique ou est-il du domaine de l’œuvre ?

Évolutions repérées

Le projet urbain change de nature et se recentre à l’échelle du quartier. Il devient le lieu de discussion entre élus et habitants. De la part des élus, écouter et intégrer les remarques du public et des associations aux projets en cours permet de légitimer sa politique urbaine. Les habitants sont d’avantage concernés par les évolutions de leur environnement immédiat et s’approprient les moyens de renouveler la démocratie à l’échelle locale.

L’aménagement urbain à Paris devient moins technocratique et plus politique.
Responsables politiques et habitants voient leur participation s’accroitre dans l’élaboration des projets en détriment des prérogatives des experts. Les compétences techniques ou juridiques ne sont plus un gage de pouvoir. L’argumentaire ainsi que la transparence de la décision prennent d’avantage d’importance dans ce contexte.

Le processus d’aménagement urbain ne cesse de se complexifier, les contraintes deviennent plus nombreuses et parfois contradictoires, les obtentions des autorisations sont plus longues et juridiquement compliquées. Le caractère stratégique des métiers liés à l’aménagement dans un environnement comme PRG est observé́ auprès de l’aménageur, des maîtres d’ouvrage, des architectes ainsi que parmi les associations et groupes de pression.

L’un comme l’autre « camp » se sont renforcés de compétences juridiques et communicationnelles.

D’autres qualifications spécifiques comme le pilotage des concertations viennent s’associer également au projet urbain, qui n’a jamais été aussi pluridisciplinaire.

Enjeux

Si la qualité́ se place à l’ordre du jour dans le débat actuel sur la ville en France, c’est en partie dû au constat d’un risque menaçant la production architecturale et urbaine aujourd’hui. Deux phénomènes actuels renforcent l’importance de la maîtrise de la qualité́ urbaine et architecturale :

  1. D’une part, on observe ces dernières années un développement continu des quartiers pavillonnaires dans les territoires périurbains, induit par le besoin très important en logement ;
  2. D’autre part, les programmes de démolition – reconstruction financés en grande partie par l’ANRU5 qui ont été mit en œuvre dans des dizaines de quartiers choisis également pour bénéficier des mesures prioritaires dans le cadre des politiques de la ville. La vitesse de réalisation de ces opérations est comparable à celle des années de reconstruction après la seconde guerre mondiale.

L’enjeu majeur de la qualité́ urbaine et architecturale observé à PRG est celui de la maîtrise de la construction d’une intelligence collective autour des projets, notamment avec l’intégration des habitants comme partenaires pour :

  • Limiter les recours contentieux et ainsi les aléas sur les finances publiques et l’économie de chaque opération ;
  • Tenir un calendrier d’aménagement ;
  • Mettre en œuvre les objectifs d’aménagement et l’ambition qualitative liée au projet.

Des leçons à tirer

Le projet urbain relève d’une activité́ collective et d’une connaissance du territoire qui doit être approfondie tout au long du processus.

Plus que du domaine de l’œuvre, le projet urbain est du domaine de l’œuvre collective, il doit être partagé par tous. Les concepteurs doivent pouvoir être les garants des projets sans pour autant laisser de côté́ cette dimension.

5 Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine.

Pour être durable et efficace dans le temps long, l’aménagement urbain doit présenter une souplesse importante pour accueillir les inévitables évolutions, et ce, sans dilution des objectifs et du concept urbain.

Le qualitatif, plus que la qualité́, s’apprécie dans le cadre de chaque projet par l’évaluation de la réponse publique aux objectifs d’aménagement.

Les relations de partenariat entre les intervenants et leurs qualités professionnelles intrinsèques constituent le point central de la démarche de qualité́.
La qualité́ ne se décrète pas. Elle est, au contraire, une démarche volontariste.

Principaux résultats

L’essence de la qualité́ urbaine est de bien faire correspondre le projet aux besoins du public, mesurée par la justesse de la réponse publique aux usages et besoins exprimes sur un territoire. Il ne peut pas y avoir de qualité́ urbaine que ne soit pas qualité́ urbaine publique.

Les règlements, les normes et les prescriptions, aussi détaillées soit elles, ne permettent pas d’assurer seules l’objectif de qualité́. Celui-ci dépend de la construction d’une intelligence collective autour d’un projet, dans une démarche exigeante de partenariat.

La qualité́ des projets urbains à Paris, aujourd’hui, tend à se renforcer. C’est certes une conséquence de l’importance des moyens mis en œuvre mais également la résultante directe de l’amélioration, d’une part, du niveau d’expertise des partenaires du débat autour de l’élaboration des projets, et, d’autre part, de la participation des habitants, dont la compétence et le poids politique va en se renforçant.
Cette tendance, à priori vertueuse, porte toutefois le risque de dérive vers un consensus « mou ».

La qualité́ urbaine et architecturale d’un nouveau quartier se défini en fonction de l’ambition politique liée à ce territoire. Les responsables politiques fixent à travers cette ambition les objectifs d’aménagement et le niveau de qualité́ des projets.

Points laissés dans l’ombre

P.R.G. est, par ses résultats, une opération qualitative. Une des mesures de cette qualité́ est le constat de la création de valeurs immobilières comparables à celles de La Défense ou du Quartier Central des Affaires.

La méthodologie d’évaluation de la qualité́ de l’opération en tant que qualité́ urbaine publique a été esquissée dans le cadre de ce mémoire. Cependant, son accomplissement impliquait la recherche de données statistiques et économiques, non recueillies au préalable. Cette évaluation reste à faire. Par ailleurs, une analyse comparative avec d’autres ZAC (zones d’aménagement concerté), sur d’autres sites que Paris, pourrait révéler des pistes intéressantes.

Qualité́ urbaine et architecturale, qualité́ du projet urbain, qualité́ de vie, constituent le cœur du métier de l’aménagement urbain et sa raison d’être. Comment bien faire ? Pourquoi ? Pour qui ? Avec quels outils et enjeux ?
Ces questions fondatrices on guidé le développement de ce travail.

Avoir rencontré́ toutes les catégories impliquées dans l’aménagement urbain a permis de construire un regard ouvert sur cette opération.

Ingrid de Rio Campo

Master d’urbanisme / I.E.P. Sciences po Paris / Mémoire de fin d’études / 22 décembre 2005

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