Le gout de l'emballage
Un emballage durable pour le bijou
Rendre durable l'emballage autour du bijou
Même si le bijou requiert souvent un écrin, une mise en scène, il y a aujourd’hui trop d’emballage autour du bijou. Créer l’effet d’étonnement autour d’un bijou est important. Le bijou est un objet de désir, de symbole, de séduction, de pouvoir.
Pour autant, faut-il multiplier les couches ?
C’est n’est pas seulement l’emballage qui pose question. Fabriquer des bijoux pose également question, car le bijou le plus durable est celui que nous ne fabriquons pas !
Alors, comment faire ? Comment rendre durables produits et emballages ?
Il est souhaitable que nous tendions, tous, vers des solutions durables. Et l’industrie du luxe a bien compris cela, car, de plus en plus, la soutenabilité de nos activités et de nos produits ainsi que la qualité de vie au travail deviennent des arguments essentiels de vente et même pour retenir des talents dans une entreprise.
Pour ma collection « Slow Jewelry » en matières réemployées, lancée fin 2021 début 2022, j’avais choisi de faire coudre des pochettes exclusives par une couturière à Paris. J’avais déniché au Marché Saint Pierre, dans le 18ème, des tissus de qualité et des boutons, des surplus dont Paris regorge, Capitale de la Mode toujours.
Pochettes fabriquées à Paris 18ème et Collier en bois de citronnier réemployé et en argent. Collection Slow Jewelry, Ingrid de Rio Campo, 2021-2022.
Si je m’intéresse d’aussi près au sujet, c’est parce que je conçois actuellement une ligne de bijoux en argent, fabriquée en France.
La visite du salon Luxepack à Paris, les 4 et 5 juin dernier (2023) m’a aidé à y réfléchir.
Mes bijoux seront fabriqués sur commande dans un premier temps, en petites quantités. Il me fallait alors identifier des fournisseurs en mesure d’accepter des petites commandes.
A gauche, packaging naturel d’un savon fabriqué dans un ashram en Inde. A droite, les matières proposées par Materialdistrict.
Voici quelques tendances observées durant ce salon :
- L’utilisation et la surutilisation du bois. Pour moi, qui fabrique aussi des bijoux en bois nobles et exotiques de réemploi, cela tient du pléonasme vicieux ;
- Un début de réemploi de matières naturelles organiques dans l’emballage, agglomérées ou mises en forme (feuilles de thé usagées réemployées pour faire du similicui, de la paille de maïs, de blé, de chanvre pressées) ;
- Très peu de fabricants acceptant des petites commandes. La plupart des entreprises présentes sur le salon démarrent la prise de commandes par 1000 à 3000 unités (certains peuvent descendre à 500 unités mais c’est déjà important pour des créateurs indépendants). Les emballages sont fabriqués en Chine, pour la plupart, ou en Europe de l’Est, en Grèce, au Portugal ou en Espagne ;
- Il y a très peu de fabricants d’emballages en France. L’offre française est essentiellement circonscrite au très haut de gamme et est assez peu innovante, mis à part quelques propositions de packaging en bois découpé au laser, utilisés surtout pour des bouteilles (encore le bois …) ;
- Quelques start-ups françaises (du Plateau de Saclay) travaillant sur des matières nouvelles, dont la captation de molécules présentes dans l’air (plutôt bluffant !). Ceci est l’histoire de Fairbrics. La société capte dans l’air des molécules de CO2 issus de la pollution et les transforme en tissu polyester.
Quelques fabricants Français d'emballage sachant traiter des petites commandes
J’ai tout de même identifié deux fabricants français sachant traiter des petites commandes, l’un à Limoges (La société plus que centenaire Procop) et l’autre à Rennes (L’atelier du sac).
La première fabrique son propre papier et est en mesure de modéliser des emballages sur mesure pour être ensuite fabriquées sur place, à Limoges.
L’atelier du sac travaille avec des papiers Espagnols ou Italiens et propose des découpes élégantes. Le résultat est très qualitatif et les commandes peuvent être passées sur leur site directement.
A gauche et au centre, Procop. A droite, Les ateliers du sac et sa découpe rectangulaire pour la prise en main. Photos : Ingrid de Rio Campo
Il est à remarquer les produits de l’entreprise BOX BY 111, du Nord de l’Italie, associant élégance et durabilité. Les boîtes sont réalisées avec des cartons recyclés, non teintés pour la plupart, et avec des impressions en bas-relief, sans encre.
Très élégant (je pourrai même écrire « très Italien ») ! Cette société sait également travailler sur des très petites quantités, à des prix de pièce unique. Les techniques de découpe mécanique et de presse sont associées pour rendre des surfaces gaufrées très tactiles.
BOX BY 111.
Une belle collaboration Belge au carré
Centurybox du Groupe Mainetti, une société Belge, sais, elle aussi, traiter toute commande, des plus petites aux plus grandes et complexes. Prix d’entrée de gamme pour une boite : 2 € la pièce.
Comment se fait-il qu’une grande société comme celle-ci sache répondre à des petites commandes ? Le modèle économique de Centurybox se base sur un très grand stock de boîtes pliables, toutes tailles confondues. C’est le plus grand stock d’Europe. Les boîtes sont prêtes à être individualisées par l’impression d’un logo, par exemple.
Transformateurs de papier et imprimeurs, ils ne sont pas fabricants de papier eux-mêmes.
Centurybox a travaillé avec la marque de maroquinerie de luxe Delvaux pour la fabriquer les emballages d’une série limitée de sacs en osier tissée à la main en France, en 1000 exemplaires numérotés. Le résultat est élégant et pur : une boîte ovale blanche, texturée et imprimée en encre de Chine comestible à base de soja.
Cette encre est couramment utilisée pour l’impression des éléments en papiers qui ont vocation à être en contact avec des aliments aussi sensibles aux composants volatiles que le chocolat. Le projet a été conçu et mis en œuvre en quelques mois seulement, un temps record, et le résultat est bluffant. La boîte, une fois ouverte, sert aussi de podium de présentation pour le sac.
Nous ne nous rendons pas toujours compte que l’utilisation d’encres est si peu écologique et si nocive à la santé. Cette solution d’impression à base d’encre comestible est à remarquer. Je soupçonne Centurybox d’avoir utilisé la sauce soja, tout simplement, pour imprimer ces boîtes vertueuses (ceci n’est pas une pipe, mais une plaisanterie…).
Packaging durable réalisé par Centurybox pour Delvaux.
La marque de bijoux suisse Loev, a une démarche plutôt innovante en la matière. La créatrice de la marque a été rencontrée lors du salon Precious Room by Muriel Pieser les 3 et 4 juillet dernier (2023), au Palais Vivienne à Paris.
Chez Loev, il est question de diamants de synthèse, de bijoux unisexe, d’or recyclé et d’un packaging plutôt sobre. A côté de boîtes en velours fabriquées en Ukraine (oui et encore plus oui en période de guerre !), la société propose un pochon à deux compartiments, en coton bio, le tout dans une boite en carton recyclé. Le client désireux d’avoir une boîte en velours, façon écrin, se voit également proposer cette option.
Il s’agit d’une réponse ancrée dans la réalité du bijou plutôt haut de gamme qui mérite d’être mentionnée.
Ensemble d’emballages LOEV, fait en Ukraine. Photos : Ingrid de Rio Campo
Oui, le secteur du luxe est demandeur de produits et de solutions engagés social et écologiquement ; le luxe a besoin d’innovation.
Rappelons-nous du packaging très innovant et judicieux des bijoux Swatch lancés au tout début des années 2000. Le double cadre en pellicule, prenant en tenaille et laissant entrevoir le bijou, est une réelle innovation, un exploit typique d’un nouvel arrivant talentueux sur un marché traditionnel.
Boite, sur-boite, papier de garantie et de conseils pour la maintenance (là oui, c’est essentiel !), carte de remerciement pour l’achat, boîte qui protège la boite, sac pour transporter la/les boites, papier de soie pour tenir droites la/les boîtes dans le sac ou encore boîte en carton avec du remplissage pour tenir la boîte durant le transport ou l’envoi…
Bijou de David Trubridge. Ensemble en perle Mikimoto.
Pourquoi conserve-t-on une boîte à bijoux ?
Les boîtes des bijoux anciens et précieux, réalisées sur mesure pour épouser la forme des joyaux, sont systématiquement conservées. Leur conservation est même un argument de revente : « vendu dans sa boîte d’origine ».
Pour des bijoux actuels et quotidiens, quelle importance de conserver leur boîte ? Suffi il de conserver leur certificat de garantie ? Et aussi une pochette, par exemple ?
Un collier de perles, a-t-il besoin d’un écrin dédié ? Ou un pochon velouté et doux, moins encombrant, suffit ?
Comment rangeons-nous nos bijoux ? Avons-nous de la place pour conserver toutes les boites des bijoux achetés ? Sont-elles pratiques pour les disposer de façon à les voir tous d’un coup d’œil ? Comment transportons-nous nos bijoux, pour voyager, par exemple ?
Ceux qui n’en possèdent qu’un bijou en tout et pour tout, ont-ils envie de le conserver tel un joyau unique et précieux ? Portent-ils toujours sur soi, comme une seconde nature ?
Avant d’être tombée dans le chaudron du bijou, ceci était mon cas, je n’avais que l’alliance de diamants que mon père a offert à ma mère quand ils se sont mariés, dans les années 60.
Cet objet ne me quitte pas, que je fasse la vaisselle ou que j’aille à la piscine.
Il y a autant de réponses à ces questions que de types de bijou et d’utilisateur.
Mais, les ressources naturelles ne sont pas infinies et nous avons tous maintenant compris qu’il faut être proactifs pour décélérer la dilapidation de notre belle planète, celle qui nous accueille, qui nous permet de vivre, de boire son eau, de respirer son air.
Collier en bois flotté, fils textiles et argent, Helga Mogensen.
Ne laisser personne au bord de la route
En faisant des recherches sur ce thème, je suis tombée sur l’association « Carton Plein », active depuis 2012, qui forme et accompagne vers l’emploi des personnes en situation d’exclusion. L’activité est basée sur la collecte et le réemploi de cartons dans leur atelier du 18ème arrondissement à Paris. L’association propose des cartons d’emballage sur leur e-boutique et réalise aussi des déménagements et des livraisons à vélo.
Parmi sa gamme de produits de réemploi, celui qui pourrait bien illustrer mes propos et ma recherche actuelle est le vide-poche en carton réemployé, ci-dessous, vendu à 3 € la pièce. Ces objets tridimensionnels sont réalisés en carton non réemployable, livrés bruts ou décorés.
Encore et toujours la géométrie
Géomètre que je suis, je ne peux qu’être attirée par cette option innovante par bien de côtés, par son rôle de catalyseur de meilleurs destins, par sa structure plutôt solide, par l’introduction de la couleur et de traces d’une fabrication artisanale toute humaine.
Comme j’ai mentionné précédemment, je suis moi-même en recherche d’une solution d’emballage durable pour mes propres créations. Mais :
Comment adapter et utiliser ce type de solution « Carton plein », vertueuse par tant d’aspects, au bijou contemporain plutôt haut gamme ?
Comment l’adapter à ce type de produit sans surenchérir avec des couches et des couches supplémentaires ?
Qu’en est-il du public cible ? Va-t-il adhérer à ces solutions responsables, mais présentant un rendu assez éloigné de l’univers du bijou ?
Oui, le secteur du luxe est demandeur de produits et de solutions engagés social et écologiquement, d’innovation et de l’audace.
Comment dépasser l’idée d’emballage à bijou que nous avons aujourd’hui, afin d’ouvrir la porte à ce type de solution répondant en tout point aux exigences d’une sobriété nécessaire ?
Avec de la joie. Pour moi, la réponse idéale doit être non seulement sobre, mais joyeuse. Je pense que l’art et l’ultra-individualisation que l’art procure peuvent y contribuer.
Le luxe, c’est l’unique !
Qu’en pensez-vous ?
Laissez-moi vos commentaires pour enrichir la réflexion !
Par Ingrid de Rio Campo
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