“Hope”, Helle Ohrt, 2021. Huîle sur toile.
Architecte peintre, Helle Ohrt est installée sur la péninsule du Jutland, avec sa famille, depuis 2001, non loin de Ribe, la ville la plus ancienne du Danemark, où elle est née.
Helle peint depuis son plus jeune âge, avant d’avoir fait des études d’architecture, à Aarhus et à Paris. Elle a vécu de longues années en France et aussi en Israël, durant son adolescence.
Helle vit et peint dans sa maison-atelier écologique, qu’elle a construite avec son compagnon, Christophe, face à la mer Baltique. C’est une très belle bâtisse au parement en briques peintes en blanc, dans la plus pure tradition scandinave.
Créer dans la lumière et dans la générosité
En plus d’être élégante, sobre, intemporelle et très claire, cette maison décline des nombreux dispositifs lui permettant d’exister en symbiose avec son environnement, à commencer par ses nombreuses fenêtres qui ouvrent des vues à 360 degrés et permettent d’avoir un éclairage naturel jusqu’au soir durant toute l’année, son système de chauffage par géothermie, ses triples-vitrages, son système de ministation d’épuration enterré ou encore son potager qui fournit la grande majorité des légumes, fruits, herbes et crudités que la famille consomme durant toute l’année.
Beaucoup de meubles de cette maison-atelier ont été réalisés par Helle et par Christophe, avec des matériaux de réemploi et du bois récupéré un peu partout.
Helle a été sélectionnée à plusieurs reprises pour présenter ses tableaux dans des expositions officielles au Danemark.
“Snapshot from a home”, “Snapshop staircase”, “Light”, 2020. Huîle sur toile.
On remarque dans vos tableaux une grande complexité, malgré la simplicité des sujets ou des formes que vous représentez…
Helle : Pour moi, le but est de toucher les gens avec ma peinture, dans le plus profond d’eux-mêmes. Il y a un mot qu’on utilise en peinture : « enjeu » ; « raison d’être ». Pour moi, l’enjeu ou la raison d’être de ma peinture est que ceux qui regardent mes tableaux soient touchés en leurs cœurs. Pour ce faire, je superpose beaucoup de couches de couleurs différentes, de manière très réfléchie. Ces couches successives sont déposées avec des spatules. Elles sont tantôt monochromes, tantôt multicolores, selon le cas.
Thèmes picturaux
Les sujets ou motifs sont souvent simples. Dans notre monde, tout est déjà très complexe, voire compliqué. J’ai choisi donc de proposer des tableaux reposants, qui font contrepoint avec toute cette complexité de notre monde d’aujourd’hui.
Certains de mes tableaux cherchent à questionner celui qui le regarde, à attirer leur curiosité : qu’est-ce qu’il y a derrière ce mur ? Y a-t-il des personnes assises là-bas ? Que se passe-t-il ? Quelle est cette ambiance dont les personnages, nous ne voyons pas, mais dont on imagine la présence ?
Mes tableaux plus anciens représentent des scènes avec des flaques d’eau qui ne réfléchissent pas nécessairement tout, de manière exhaustive et précise, mais qui créent un reflet des personnages d’une manière plus intimiste. Les flaques créent un univers à part, qui n’est pas celui de la scène représentée. Les univers intérieurs sont tous uniques. Avec cette série que j’ai développée jusqu’en 2016, j’ai souhaité exprimer cela. Finalement, le sujet des ombres et des reflets des personnages ressort encore dans mes peintures les plus récentes, que, pour certaines, pourraient être des scènes directement sorties d’un film à l’ambiance nocturne.
Bien entendu, tout ce que j’évoque là n’est pas une règle dans ma démarche, mais simplement des brins de réflexion que je ne cherche surtout pas à structurer pour en faire une méthode, au détriment d’un élan vraiment profond de peindre que je souhaite mobiliser.
Je peux tout aussi bien partir d’une réflexion assez profonde et méthodique, pour arriver à réaliser certains de mes tableaux, comme également réaliser des tableaux d’une manière plus instinctive. Concernant cette deuxième façon de peindre, j’utilise souvent des toiles déjà démarrées, dont le résultat ne me satisfait pas complètement. Et cela me donne une espèce de liberté pour pouvoir peindre d’instinct, sans trop de réflexions préalables. Je remarque que, assez souvent, ces tableaux issus d’une méthode plus « informelle » rendent des résultats finalement assez satisfaisants.
C’est intéressant d’observer que les personnages sont plus présents dans mes tableaux « instinctifs » que dans ceux plus réfléchis.
La lumière est très présente sur tous vos tableaux. Pourriez-vous nous parler de votre relation à la lumière ? Est-ce votre culture du Nord qui parle ? Dans quelle mesure la peinture danoise, qui, elle aussi, fait la part belle à la lumière, vous a marqué et alimente encore votre production ?
Helle : La lumière est vitale pour moi. Je déprime si je suis dans un endroit où la lumière est manquante.
Je remarque avec bonheur qu’en général, les gens réagissent positivement à l’arrivée des beaux jours, à la sortie de l’hiver. C’est très chouette de voir cela, cette renaissance de la joie de vivre. Ici, dans le Nord, nous vivons un régime de luminosité spécifique, nous devons composer avec la grisaille ! C’est assez différent des pays du Sud, qui profitent de beaucoup plus de lumière, qui donne l’envie de faire la fête !
Mais, ici, en été, la lumière est aussi très présente et très belle. Le soleil se lève très tôt et souvent, au petit matin, la lumière du soleil est déjà presque à son comble. Nous devons nous lever assez tôt ici, pour ne pas rater ce spectacle !
C’est entre autres la raison pour laquelle j’ai installé autant de fenêtres ici, chez moi, car la lumière est la vie, tout simplement !
Et c’est efficaz !
Quant à l’influence des peintres danois sur ma propre démarche, cela reste assez relatif. Je ne pense pas que l’influence de peintres danois, que j’apprécie énormément, par ailleurs, a été déterminante.
Je suis inspirée par beaucoup de peintres de tous horizons et de toutes les époques.
Si je ne pouvais citer qu’un peintre, ce serait Anette Harboe Flensburg, danoise, il est vrai. Son travail autour de la lumière me parle énormément. Je prépare actuellement une série de toiles qui pourraient faire penser à certains de ces tableaux.
Je sais que vous avez énormément voyagé, notamment au Mexique. Dans quelle mesure ces voyages ont marqué votre approche de la couleur, qui est très présente également dans tous vos tableaux ?
Helle : Vous savez, je ne pense pas être la meilleure personne pour parler de mes propres tableaux. C’est peut-être mieux comme ça, car je peux ainsi garder une fraicheur et un regard toujours neuf pour pouvoir m’ouvrir, à chaque fois, à des expériences nouvelles de la peinture, et pouvoir être libre.
Cela n’empêche pas le fait que tous mes tableaux ont quelque chose en commun. Ils sont reconnaissables parmi tant d’autres. Et c’est cela, qui est finalement assez identitaire, dont je ne peux certainement pas nommer aujourd’hui, que je souhaite continuer de développer. C’est une recherche, vraiment sincère, d’une réelle identité de peintre et aussi en tant que personne.
Ce serait probablement aussi l’influence de votre formation d’architecte ?
Oui. C’est en cela que ma formation d’architecte a sûrement laissé des traces indélébiles dans ma façon d’être et de peindre.
On m’a déjà fait remarquer à quel point mes tableaux laissent apparaître une identité d’architecte, par la simplicité des espaces que je représente dans mes tableaux.
Durant mes études d’architecture, nous étions en plein dans le « Less is more », prôné par l’architecte Mies Van der Rohe. Cette période m’a construit. Nous sommes toujours un peu ce que nous faisons et je ne cherche pas à effacer cela de ma démarche artistique.
Faire le vide
« Less is more » est aussi une devise pour ma vie au quotidien. J’ai besoin d’être dans des espaces assez épurés et sobres afin de maintenir le calme dans ma propre vie. Je me sens stressée et même débordée si je suis entourée d’un nombre trop important d’objets.
Mais, pour répondre à votre question, on m’a fait remarquer également, à plusieurs reprises, que la palette de couleurs que j’utilise assez souvent dans mes tableaux, et notamment des compositions en vert et en rose, font référence aux périodes où j’ai vécu en France – une dizaine d’années en tout.
À la réflexion, il est vrai que cette harmonie de tons, aussi contrastés, est assez courante en France, particulièrement sur les volets des vielles maisons en Provence et sur les fleurs présentes dans le paysage du Sud de la France et aussi sur des murs des vieilles bâtisses.
Y a-t-il des périodes de l’année qui vous inspirent particulièrement ? Est-ce que la lumière change beaucoup là où vous vivez ?
Helle : Nous ne pouvons pas transformer cela en règle, mais tout ce que je peux dire est que j’ai besoin de la lumière du jour pour peindre.
À la réflexion, je pense que je suis assez active pour peindre durant l’hiver, car il ne fait pas si beau pour rester dehors à profiter du beau temps. Cela me donne des raisons pratiques d’être en intérieur et peindre.
Ceci dit, je peins aussi beaucoup en été, jusqu’en début de soirée, car les journées sont beaucoup plus longues.
Il est important pour moi de maintenir une continuité dans ma peinture. Je ne peux tout simplement pas m’arrêter de peindre.
Aussi, je ne peins pas que des paysages, et encore moins sur un mode représentatif. Je suis donc peu contrainte par les conditions extérieures. Il est plus important pour moi de trouver les conditions intérieures qui me permettent d’exprimer quelque chose de personnel à travers mes toiles.
Un grand merci à Helle Ohrt, architecte peintre, pour cet interview estival réalisé dans sa maison-atelier.
Fredericia, le 15 juillet 2022
Helle Ohrt dans son atelier à Fredericia, Jutland.
Maison écologique, Helle Ohrt, 2010. Fredericia, Jutland.
découverte d’une artiste inspirante, très paisible
Magnifique lieu de vie et de travail !
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